Dienstag, 12. Juni 2012

Vivons-nous la fin des bibliothèques?

Lors de sa laeçon d'adieu à l'Université de Genève, Alain Jacquesson commenca par un petit historique sur les périodiques scientifiques où les bibliothèques passèrent du propriétaire à au locataire dès la fin de la deuxième guerre mondiale. Ceci dû au désintérêt pour l’administratif lié à la publication des chercheurs, scientifiques et savants. Jacquesson rappella la fin du ZentralBlatt mise en place dès le 19e siècle par les académies ou leurs équivalents.

Ces changements fondamentaux ne sont pas les seuls. En plus, les coûts explosent. Même si c’est moins marqué, la lecture publique est aussi concernée. Au travers de la numérisation (du gris au numérique, numérisation rétrospective, ...), la dématérialisation des objets culturels conduit à l’indifférence du lieu des savoirs, des recherches, des formations, etc. L’éloignement des sources n’existe plus.

Droit contractuel versus droit d’auteur
L’industrialisation des savoirs est facteur d’un plus grand revenu pour les actionnaires et d’une perte d’intérêt pour la transmission du savoir au public. Le droit contractuel remplace le droit d’auteur. Le prêt entre bibliothèque devient litigieux. On se souvient qu'au procès actuel entre l'École Polytechnique de Zurich et Elsevier. Les lecteurs sont par ailleurs captifs des outils liseuse ou autre à travers des contrats exclusifs, des ventes liées au matériel, des versions incompatibles, ce que Jacquesson appelle la gestion des droits numériques ou digital rights management en anglais, soit le contrôle technique de l’utilisation des ressources documentaires.

Alain Jacquesson parla des livres numériques chronodégradables ou qui «s’autodétruisent» après un nombre défini de lectures. Les éditeurs utilisent le vocabulaire des bibliothèques comme bibliothèque de prêt (lending library) ou prêt gratuit (borrow for free), mais en monétarisant le service parfois de manière cachée comme par exemple l'inscription en tant que membre obligatoire et payante.

Bénéfice privatisé, coûts à l'état
L'ancien directeur de l'École des bibliothécaires de Genève présenta un tableau séparant les services récupérés par les multinationales commerciales sur les activités des bibliothèques. En résumé, les tâches coûteuses comme catalogage, cotation, indexation restent dans les bibliothèques, pendant que publication, vente, location, prêt, donc les activités monétarisables sont reprises par les grands éditeurs internationaux. Les universités ont réagi avec les archives ouvertes, avec les preprints des physiciens, au départ, et avec l’Open Access. La déclaration de Berlin a vu le jour, mais son principe d’accès libre est remis en cause par le Sénat américain en ce moment sous pression du lobby puissant des éditeurs). L’éthique de Jacquesson ne lui permet pas de faire l’apologie du piratage.

Selon le conférencier, l'âge d’or est derrière nous. L'économie et les lois régissent maintenant la profession du bibliothécaire. Lors des questions et pour avoir une vision plus optimiste de l’avenir, il fut question de transfert d’emplois vers les sites de ventes en ligne, de l’option, pas très retenue, de devenir éditeurs, mais, par contre, de travailler avec les chercheurs et les juristes sur la libération des données sémantiques, sur l’autoédition, sur les valeurs ajoutées payantes, mais au profit des bibliothèques, du changement de mandat des bibliothèques d’un lieu de savoir à un lieu de socialisation, de discussion, de travail (on va à la bibliothèque pour travailler sans être dérangé), de tranquillité (un bâtiment pour les gens).

Il fut aussi question du boycott d’Elsevier, Springer, Wiley par Harvard et d’autres universités. Jacquesson n’y croit pas. Il pense que le boycott doit être ciblé, autrement il pénalise le chercheur, à cause du système d’évaluation actuel. Mais un changement fondamental de l’évaluation des chercheurs (facteurs d’impact et autres) par les académies pourrait être une piste de réflexion préalable au boycott.

Publications d'Alain Jacquesson:
L'informatisation des bibliothèques

Concernant la culture libre, voir ici.
Source: Sandra Levai, image: Moumou82/Wikipédia

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